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La philosophie comme institution discursive
Ce livre s’inscrit dans une perspective d’analyse du discours. À ce titre, il s’efforce de sortir de l’alternative ruineuse entre des approches qui sont censées démonter les rouages des textes pour ressaisir le sens des doctrines, et des approches d’ordre sociologique qui cherchent ses déterminations à l’extérieur.
Si l’on veut ainsi appréhender la philosophie comme discours, la «scène d’énonciation», qui n’est réductible ni au texte ni à une situation de communication qu’on pourrait décrire de l’extérieur, est amenée à jouer un rôle crucial. Une théorie du discours ne se contente pas, en effet, d’articuler texte et contexte, car cela reviendrait à présupposer le partage même qu’elle entend surmonter. Elle met en évidence une activité énonciative qui doit gérer sa présence à la fois dans le monde qu’elle construit et dans le monde où elle se construit, une activité qui doit légitimer la situation d’énonciation dont elle prétend surgir. On peut dès lors parler d’une institution discursive de la philosophie, par laquelle se nouent l’institution comme processus de construction d’une légitimité, et l’institution comme appareil organisant une pratique : la structure du champ, le statut du philosophe, les genres… À travers le monde qu’elle configure en déployant son texte, l’énonciation réfléchit en les légitimant les conditions de sa propre activité. L’institution discursive est ainsi le mouvement par lequel passent l’un dans l’autre, pour s’étayer, l’œuvre et ses conditions d’énonciation.
La première partie du livre présente un réseau de concepts pertinents pour l’analyse du discours philosophique. La seconde contient sept études, groupées autour de trois thèmes : les genres, l’argumentation, la figure de l’auteur.